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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 40

Le mercredi 18 février 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 18 février 1998

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Musée canadien de la guerre

La déclaration sur l'Holocauste-La conformité avec les recommandations du sous-comité des anciens combattants

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, le Musée canadien de la guerre a publié un communiqué très important. Il y est dit, entre autres, que l'histoire de l'Holocauste pourrait être mieux racontée dans un autre lieu, un lieu qui lui serait entièrement consacré. Le conseil d'administration a également félicité le sous-comité sénatorial des anciens combattants pour l'aide qu'il a apportée à la recherche d'un consensus public et institutionnel dans ce dossier.

Honorables sénateurs, je voudrais profiter de l'occasion pour remercier publiquement le sous-comité des anciens combattants, son président, le sénateur Phillips, son vice-président, le sénateur Cools, ainsi que tous ses membres, notamment le sénateur Jessiman, pour le travail consciencieux qu'ils ont accompli dans ce dossier. Nous étions tous très conscients de la nature délicate de la question dont le sous-comité avait été saisi. Ils l'ont traitée avec la dignité et la réflexion qui devraient faire la fierté de notre Chambre. Je les remercie tous et chacun.

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs me coupe un peu l'herbe sous le pied.

Je me suis entretenu avec le sénateur Phillips il y a une heure environ. Malheureusement, il est aujourd'hui à l'hôpital Grace, mais il se porte bien. Il voulait que je lise pour faire consigner au compte rendu la déclaration d'aujourd'hui du Musée de la guerre.

 

Mme Adrienne Clarkson, présidente du conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations, a annoncé aujourd'hui que le Conseil a accepté la recommandation du Comité consultatif du Musée canadien de la guerre de réaliser le plus tôt possible le projet d'agrandissement du Musée de la guerre. L'espace rendu disponible dans le Musée de la guerre agrandi sera mis à profit pour raconter le passé le passé militaire du Canada.
Un établissement distinct entièrement consacré à l'Holocauste sera davantage en mesure de témoigner adéquatement de l'immense impact de l'Holocauste. La Société participera à la recherche d'un nouveau site et continuera d'appuyer la création d'un Musée de l'Holocauste autonome et indépendant.
Le Conseil a accepté les recommandations du Comité consultatif du Musée de la guerre, qui est présidé par l'Honorable Barney Danson, d'accroître le nombre de membre du Comité consultatif pour y accueillir de représentants de la Légion royale canadienne, du Conseil national des associations d'anciens combattants, des Amis du Musée canadien de la guerre, du ministère de la Défense nationale et d'Affaires des anciens combattants Canada. En outre, les historiens Robert Bothwell, Jack Granatstein et Terry Copp se joindront au comité. Parmi les autres membres figurent le Général Paul Manson, vice-président du Comité; le Lieutenant-général Charles Belzile; le Major-général Robert LaRose; Richard Neilson, producteur bien connu de documentaires; Douglas Fisher, journaliste et ancien combattant; Patricia Toner, ancienne combattante; Claudette Roy, éducatrice, et Adam Zimmerman, entrepreneur. La Société du Musée canadien des civilisations sera représentée par Mme Clarkson, présidente; M. George F. MacDonald, président-directeur général; Joseph Geurts, directeur administratif et Dan Glenney, directeur général par intérim du Musée canadien de la guerre, qui ser le sécretaire du Comité.
Le Conseil est d'avis que les mémoires présentés aux récentes audiences du Sous-comité du Sénat sur les affaires des anciens combattants ont permis de mieux dégager un consensus sur cette question. En outre, le Comité consultatif du Musée canadien de la guerre tiendra sans délai d'autres consultations avec les intéressés sur des questions liées au Musée de la guerre.
Le Conseil a aussi reconnu la valeur de la consultation du Sous-comité du Sénat sur les affaires des anciens combattants et attend avec impatience son rapport et ses recommandations, qui seront étudiés avec attention par le nouveau Comité consultatif.
Évidemment, l'honorable sénateur Phillips a fait un excellent travail à la présidence. Le sénateur Cools, vice-présidente, a également fait du bon travail. Les autres membres du comité étaient les sénateurs Chalifoux et Forest ainsi que moi-même. Les sénateur Kelly et Prud'homme ont aussi joué un rôle très actif. L'ancien sénateur Jack Marshall était également présent.

Le comité a siégé pendant cinq jours complets et a entendu 50 différents groupes. L'honorable Sheila Copps a comparu devant le comité le 11 février 1998.

Au sous-comité sénatorial, je dis: Bravo!

[Plus tard]

L'honorable Marcel Prud'homme: Je remercie Mme le sénateur Carstairs pour ce qu'elle a dit au sujet du travail du sous-comité des anciens combattants. Pour paraphraser sir Wilfrid Laurier et sir Winston Churchill, jamais si peu de personnes n'auront accompli autant, aussi rapidement, et c'est le Sénat qui l'a fait.

Le Sénat peut être fier du travail que le sous-comité a abattu sous la direction exceptionnelle, amicale, efficace et rigoureuse de son président, le sénateur Phillips qui, comme nous le savons, se trouve présentement à l'hôpital Grace. Il n'a pas manqué une seule séance. Le sénateur Carstairs a nommé certains des sénateurs qui ont participé aux travaux, mais je voudrais les nommer tous. Le comité était composé du président, le sénateur Phillips, du sénateur conservateur Jessiman et des distingués sénateurs Forest, Chalifoux, de l'Alberta, et Cools, de l'Ontario.

Nous avons entendu 50 témoins en une semaine, pendant que le Sénat faisait relâche. J'ai eu l'honneur de participer aux travaux du comité, même si j'attends toujours d'être membre d'un comité permanent. Les honorables sénateurs savent que je désire devenir membre à part entière d'un comité et je me battrai jusqu'à ce que j'obtienne gain de cause. Tout comme le sénateur Kelly, j'ai été présent pendant la comparution des 50 témoins et je n'ai pas raté une seule minute des délibérations. Le sénateur et moi n'étions pas membres du comité, mais nous avons été présents pendant toute la durée des audiences, notamment les séances à huis clos, à cause de l'intérêt que nous portons à la question comme représentants du Sénat.

Estimés collègues, le Sénat a un rôle à jouer au Canada. Peu importe ce qui se passe ailleurs, soyons actifs et choisissons des sujets semblables à celui-ci. La question à l'étude était extraordinairement délicate et nous devions parvenir à une solution, dans l'intérêt du Canada. Lorsque je faisais partie du caucus libéral national, M. Trudeau nous avait dit de toujours éviter d'opposer un groupe à un autre et une personne à une autre, mais c'est malheureusement ce qui était en train de se produire ici.

Tout le monde accepte maintenant que la galerie de l'Holocauste puisse être aménagée ailleurs. Je crois que le musée a pris la décision aussi rapidement en raison de la détermination du sous-comité sénatorial, composé de nous tous. Nous avons parlé et travaillé en votre nom. Je crois que le Sénat devrait se charger plus souvent de ce genre de travail.

Je souhaite aussi un prompt rétablissement au sénateur Phillips. Nous attendrons son retour pour rédiger le rapport final. Je ne suis pas membre du comité, mais je serai néanmoins là, comme un pot de colle, pour terminer le travail.

 

Les Jeux olympiques d'hiver

Félicitations à l'équipe de bobsleigh, médaillée d'or à Nagano, au Japon

L'honorable Catherine Callbeck: Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui rendre hommage à Dave «Eli» MacEachern. Je précise à l'intention de ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas que M. MacEachern, qui est né à l'Île-du-Prince-Édouard, a remporté avec fierté en fin de semaine dernière une rutilante médaille d'or lors de la compétition de bobsleigh à deux aux Jeux olympiques d'hiver qui ont lieu au Japon.

MacEachern est le cadet d'une famille de 11 enfants. Lorsqu'il était petit, on pouvait le voir pousser la petite brouette rouge que son grand-père lui avait fabriquée. Nous ne pouvions imaginer que 25 ans plus tard il pousserait un bobsleigh et gagnerait une médaille d'or aux antipodes de son île.

(1340)

Dave MacEachern et Pierre Lueders sont le premier équipage canadien à obtenir une médaille dans le bob à deux, et c'est seulement la deuxième fois en 62 ans qu'une équipe nord-américaine de bobsleigh gagne une médaille d'or.

Honorables sénateurs, tous les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, voire du Canada dans son ensemble, sont fiers des efforts de Dave MacEachern en faveur de son sport. Pour montrer cette fierté, avant la manifestation, une pétition portant 17 500 noms a été envoyée à Dave, au Japon, pour gonfler son moral. Le résultat est là, M. MacEachern est le premier habitant de l'Île-du-Prince-Édouard à ramener une médaille d'or.

Dave, tu es un modèle et un vrai champion. Félicitations.

 

La communauté asiatique en Colombie-Britannique

Félicitations à l'occasion du 25e anniversaire de la United Chinese Community Enrichment Services Society

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais attirer l'attention de la Chambre rouge sur le fait que, il y a une semaine, on célébrait le 25e anniversaire de SUCCESS, la United Chinese Community Enrichment Services Society, qui a magnifiquement réussi à intégrer les Canadiens d'origine asiatique et les autres minorités visibles dans la société canadienne.

SUCCESS a été constituée en société en 1973. Elle a commencé dans un sous-sol d'église sous l'impulsion d'un petit groupe se réunissant sous la présidence de Maggie Ip, une enseignante originaire de Shanghai. Son mandat était d'aider les immigrants à vaincre les barrières linguistiques et culturelles, afin d'atteindre l'auto-suffisance et de contribuer davantage à la société canadienne. Le but était de fournir des services à la communauté chinoise du sud de la Colombie-Britannique, notamment conseiller les familles et les jeunes, offrir de la formation professionnelle, assurer le développement des groupes et des collectivités, fournir des services d'établissement, donner des cours de langue et créer des programmes pour les femmes, les personnes âgées et les jeunes. C'est grâce à SUCCESS qu'un jeune asiatique peut apprendre à faire du canoë dans un parc de Colombie-Britannique ou qu'une grand-mère qui ne sort pas de sa maison à Vancouver parce qu'elle ne parle pas anglais peut recevoir de l'aide et s'intégrer à la collectivité dans son ensemble.

De la réunion qu'a tenue un petit groupe dans un sous-sol d'église est né l'organisme SUCCESS qui a aidé, en 1997, l'an dernier, 210 000 clients dans 23 langues différentes et dans 11 centres situés dans le sud-ouest de la province. J'ai eu le plaisir, en tant qu'ex-députée et sénateur, de participer aux cérémonies d'usage marquant l'ouverture de certains de ces centres. L'organisme ne compte qu'une poignée d'employés qui travaillent sous la direction de la directrice exécutive, Lillian To, et collaborent avec des milliers de bénévoles pour dispenser leurs services.

Entre 40 et 50 p. 100 du budget d'exploitation de 5,8 millions de dollars de l'organisme provient de la collectivité elle-même. Chaque année, SUCCESS organise deux grandes activités de financement, la marche du dragon et le dîner de gala. J'ai assisté au dîner, de même que le sénateur Ray Perrault, qui participe souvent aux mêmes activités que moi. Ont également assisté à ce dîner le ministre fédéral concerné, Raymond Chan, le secrétaire d'État responsable de la région Asie-Pacifique, le premier ministre provincial, Glen Clark, et la plupart des ministres de son Cabinet, le maire et de nombreux conseillers municipaux de la ville de Vancouver. Malheureusement, aucun député réformiste n'était présent. Le Parti réformiste ne reconnaît pas encore la contribution des Canadiens d'origine chinoise à notre province. Cette année, le gala a permis d'amasser 400 000 $, ce qui représente une partie considérable du budget de l'organisme, et 12 000 personnes y ont assisté. Jamais auparavant autant de Canadiens d'origine chinoise ne s'étaient rassemblés au même endroit au Canada. Le gala a été télédiffusé par la société Television Broadcast (HK) Limited, l'un des plus grands télédiffuseurs en Asie. Le spectacle somptueux, regroupant 60 des meilleurs artistes et comédiens...

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre le sénateur Carney, mais la période de trois minutes est terminée.

La permission de continuer est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carney: Le gala a été diffusé à Hong Kong, en Chine, à Singapour, à Vancouver et à Toronto.

Comme l'article d'aujourd'hui nous rappelle que 11,2 p. 100 des Canadiens font partie de minorités visibles et que près du tiers de la population du Grand Vancouver, qui compte 1,8 million d'habitants, est d'origine asiatique, je demanderais aux sénateurs de se joindre à moi pour féliciter l'organisme SUCCESS, qui contribue à bâtir une collectivité remarquablement libre de toute tension raciale, grâce en grande partie à ses efforts inlassables.

 


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence d'un visiteur de marque à notre tribune. Avant de vous le présenter, j'aimerais vous faire un bref résumé de la situation.

(1350)

Ce midi, Postes Canada a tenu une cérémonie spéciale dans la salle du comité des chemins de fer pour souligner le lancement de dix nouveaux timbres canadiens en l'honneur de dix premiers ministres canadiens. Un certain nombre d'entre vous ont assisté à cette réunion historique au cours de laquelle on a pu rencontrer des membres de la famille de ces premiers ministres. Deux d'entre eux ont pris la parole au nom de tous. Nous avons le plaisir d'accueillir certains de ces invités à notre tribune aujourd'hui.

[Français]

Honorables sénateurs, je suis très heureux de signaler la présence de M. Jules Lesage et son épouse. M. Lesage est le fils de M. Jean Lesage, ex-premier ministre du Québec et ex-ministre du gouvernement fédéral.

 


[Traduction]

 

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la Commission canadienne du blé

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le cabinet du premier ministre

La nomination du conseiller en éthique responsable du Parlement-La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En 1993, le gouvernement a pris un engagement qu'il a inscrit dans le premier livre rouge, au chapitre 6, page 91. Le titre du chapitre est «Pour restaurer l'intégrité parlementaire». C'était dit très clairement.

Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression sur l'application du Code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.

C'est intéressant de noter que l'un des auteurs du premier livre rouge était nul autre que l'actuel ministre des Finances. Comme on peut le lire aujourd'hui dans le Ottawa Citizen, une autre décision a été prise par:

 

[...] le chien de garde du premier ministre Jean Chrétien, au sujet du sens moral du Cabinet [...]
Je n'ai jamais vu de description plus adéquate de ce prétendu conseiller en éthique.

Honorables sénateurs, nul ne peut être surpris de la nouvelle, qui dit que M. Wilson, le conseiller en éthique, a déclaré que le ministre des Finances, Paul Martin, a été exonéré de toutes les allégations lancées contre lui, selon lesquelles celui-ci était en situation de conflit d'intérêts en raison des modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu qui auraient pu être avantageuses pour sa société internationale de transport maritime. Ce sont des hauts fonctionnaires du ministère des Finances qui ont porté le blâme de la controverse.

Honorables sénateurs, c'est là un exemple de régime vertical où tout est contrôlé à partir du cabinet du premier ministre. Le premier ministre nomme le conseiller, fixe des règles qu'il refuse de rendre publiques, effectue une enquête en secret et n'informe le Parlement et le public des dispositions prises en catimini qu'une fois que la décision est annoncée.

Nous avons vu cela à maintes reprises avec les ministres Dupuy et Collenette ainsi qu'avec l'ancien ministre Doug Young qui, comme nous le savons tous, tenaient des propos méprisants à l'égard des sénateurs de ce côté-ci et des lobbyistes.

Quand le gouvernement honorera-t-il son engagement et nommera-t-il un conseiller en éthique qui soit comptable au Parlement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'hésiterais à mettre en doute l'intégrité et l'impartialité du conseiller en éthique, M. Wilson. Je regrette que le sénateur laisse peut-être entendre que l'évaluation de cette situation par M. Wilson ne correspondait pas à ce qui serait considéré comme un examen très minutieux et très précis de ce que certains ont pu percevoir comme un conflit.

M. Wilson avait été nommé pour procéder à cet examen. Il a présenté une évaluation et une conclusion que moi-même, le gouvernement et, j'en suis sûr, la vaste majorité de la population, considérons comme justes et exactes.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, ce n'est pas ce que je laisse entendre, mais comment le savoir si nous ignorons les règles et les procédures et si on ne nous dit pas comment toutes ces décisions sont prises?

J'ai deux questions complémentaires. Au début de cette nouvelle session du Parlement, le gouvernement a-t-il respecté son autre engagement et a-t-il consulté, à ce sujet, les chefs de tous les partis à la Chambre des communes? Autrement dit, a-t-on fait un effort pour réaffirmer la nomination de Howard Wilson à titre de conseiller en éthique?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ignore qui a été consulté, mais je tâcherai de le savoir.

Le sénateur LeBreton: Par la même occasion, pourriez-vous découvrir pour nous qui verse la rémunération de M. Wilson? Est-ce le Bureau du Conseil privé ou un autre ministère ou organisme du gouvernement?

Le sénateur Graham: Je le ferai.

 

La santé

L'annulation de l'étude sur les aînés souffrant d'ostéoporose-La possibilité de rétablir le financement-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, en décembre 1995, la ministre de la Santé de l'époque, Diane Marleau, avait tenu une conférence de presse pour annoncer que le gouvernement fédéral allait financer une étude de cinq ans sur l'ostéoporose, par l'entremise de neuf centres situés dans toutes les régions du pays.

L'ostéoporose frappe 1,5 million de Canadiens et entraîne des coûts annuels de quelque 400 millions de dollars. La ministre Marleau avait parlé de l'étude comme d'un bon investissement à long terme pour la santé des Canadiens. Elle avait mentionné ce qui suit dans son communiqué de presse:

Le financement de l'étude est prévu dans le budget fédéral, de sorte qu'il s'inscrit dans le cadre financier en place. Cette initiative montre que le gouvernement établit ses priorités de dépenses de façon à mieux servir les Canadiens et à faire un usage judicieux des deniers publics.

L'étude, qui est maintenant rendue presque à mi-étape, a coûté jusqu'à maintenant 5,7 millions de dollars, y compris 3,5 millions de dollars fournis par le gouvernement. Or, ce dernier a soudainement annulé le programme de recherche de Santé Canada sur l'autonomie des aînés, qui était la principale source de financement de l'étude. Cette décision laisse dans l'incertitude toute l'équipe de recherche principale à Montréal, d'autres chercheurs dans les régions du pays, ainsi que 10 000 participants à l'étude.

Le leader du gouvernement peut-il me dire si le gouvernement compte faire en sorte que l'étude soit menée à bien? D'une façon plus précise, le ministre des Finances va-t-il rétablir le financement accordé à Santé Canada afin de s'assurer que l'on fasse effectivement un usage judicieux des deniers publics et que l'on ne gaspille pas des années de travail et 3,5 millions de dollars, sans parler du tort que l'annulation de cette étude cause aux aînés qui souffrent d'ostéoporose?

(1400)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est une question très pertinente. Je vais essayer de fournir une réponse plus complète quant au financement de cette étude sur l'ostéoporose, qui préoccupe un grand nombre de Canadiens, et je vais essayer de savoir si le financement auquel fait allusion l'honorable sénateur sera rétabli.

Le sénateur Spivak: Je me permets d'ajouter un mot. J'espère que le leader du gouvernement fera bon usage de sa considérable influence pour veiller à ce que ce financement figure dans le budget fédéral qui sera présenté au Parlement la semaine prochaine. Nous avons hâte de voir figurer ce poste dans le budget.

Le sénateur Graham: Je ferai de mon mieux pour influencer tous les éléments du budget qui sera déposé mardi prochain.

 

Les droits de la personne

Le refus du premier ministre de rencontrer un chef de file chinois en matière de droits de la personne lors de sa récente visite-L'appui à la résolution de l'ONU sur les droits de l'homme-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, jeudi dernier, le 12 février, deux importants visiteurs présents à Ottawa sont venus sur la colline du Parlement. L'un d'eux était le vice-président de Cuba, Carlos Lage, et l'autre, l'un des plus célèbres prisonniers politiques et militants chinois des droits de la personne, Wei Jingsheng.

Comme les honorables sénateurs l'auront sans doute appris dans les médias, seul M. Lage a pu rencontrer le premier ministre. M. Wei, qui a été au premier rang dans la lutte pour la démocratie en Chine, a dû se contenter d'une brève rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy.

M. Wei s'est dit consterné par l'apparente indifférence du Canada au problème des droits de la personne en Chine, affirmant que les Chinois perdraient du respect pour le Canada si le gouvernement fédéral continuait de faire preuve de lâcheté en refusant d'affirmer ses positions face aux dirigeants politiques de Beijing en matière de droits de la personne. Il a ajouté que, lorsque la démocratie régnerait en Chine, ce qui arrivera forcément un jour, les Chinois se souviendront de la position des Canadiens face à la tyrannie.

Le leader du gouvernement au Sénat expliquerait-il pourquoi le premier ministre a refusé de rencontrer ce chef de file mondialement reconnu de la lutte pour les droits de la personne en Chine, et expliquerait-il aussi quelles mesures le gouvernement a prises pour faire libérer d'autres dissidents politiques et prisonniers de conscience en Chine?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, M. Wei a eu tout le loisir de faire part de ses vues sur la Chine au gouvernement et au Parlement du Canada lors de son séjour à Ottawa. Il a rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, et le secrétaire d'État responsable de l'Asie-Pacifique, M. Raymond Chan. Il a également pris a parole devant le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

La politique étrangère du Canada à l'égard de la Chine a notamment pour objectif de l'encourager à respecter davantage les droits de la personne en appuyant les changements constructifs qu'elle apporte ou en prenant nous-mêmes l'initiative. Je ne suis pas sans savoir que l'honorable sénateur Kinsella est un éminent défenseur des droits de la personne, non seulement dans son Nouveau-Brunswick natal, mais aussi au Canada et ailleurs de par le monde.

En avril 1997, M. Axworthy a annoncé un ensemble de mesures sino-canadiennes touchant les droits de la personne. La création d'un comité mixte des droits de la personne chargé d'entendre nos préoccupations en cette matière constituait l'un des principaux éléments de cet ensemble de mesures.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement se souviendra que, l'an dernier, son gouvernement a refusé d'entériner la résolution des Nations Unies condamnant la politique de la Chine en matière de droits de la personne. Le ministre pourrait-il faire savoir au Sénat si son gouvernement entend continuer de montrer au monde entier que, quand il s'agit d'appuyer une résolution de l'ONU condamnant les atteintes aux droits de la personne en Chine, il le fera volontiers?

Le sénateur Graham: Je crois, honorables sénateurs, que nous sommes sur la bonne voie, car le comité dont je vous ai parlé s'est réuni deux fois en 1997. Il y a eu une réunion en juillet, à Ottawa, et une autre en octobre, à Beijing.

Lors de la visite du président Jiang, en novembre dernier, M. Chrétien, notre premier ministre, a annoncé que le Canada et la Chine allaient être les hôtes conjoints d'un symposium multilatéral sur les droits de la personne, qui doit avoir lieu en Colombie-Britannique, pendant la première semaine de mars. De telles initiatives montrent clairement que le Canada a à coeur de favoriser le changement grâce au dialogue qu'il entretient avec le gouvernement chinois.

 

L'économie

La crise du financement de la santé-Les coupes dans les paiements de transfert aux provinces-La politique du gouvernement

L'honorable Duncan J. Jessiman: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement.

Il semble qu'il ne se passe pas un jour sans qu'un journal local ne parle de la crise des hôpitaux. Dans quelque région que ce soit, la situation est la même partout dans le système qui souffre du même problème. En décembre dernier, le ministre des Finances, Paul Martin, était tout fier de dire que «gouverner, c'est établir des choix, des priorités et des valeurs. Nos choix sont clairs: la santé constitue une priorité pour notre gouvernement.»

Depuis 1993, les libéraux ont réduit d'environ 6,3 milliards de dollars le montant des transferts en espèces pour la santé. Puisque le gouvernement doit répondre de ses actes, que prévoit-il faire pour résoudre la crise qu'il a créée dans le secteur de la santé?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est juste de dire que la réduction des dépenses publiques dans le secteur de la santé résulte de la restructuration globale des programmes provinciaux de la santé visant à améliorer l'efficience et l'efficacité des programmes de santé du Canada.

Le gouvernement du Canada a relevé le plancher des transferts en espèces aux provinces au titre du TCSPS pour le porter à 12,5 milliards de dollars par année, à compter de 1997-1998. Ce montant est en accord avec les recommandations du Forum national sur la santé.

Le sénateur Jessiman: Honorables sénateurs, il est vrai que le gouvernement a augmenté les crédits budgétaires, mais ce montant est bien loin du montant pour 1993. Vous avez alloué 12,5 milliards de dollars pour 1997-1998, mais en 1993, le montant prévu au budget s'élevait à 18,8 milliards de dollars.

Le ministre des Finances n'a cependant pas dit que, dans sept des dix provinces canadiennes, les transferts en espèces continueront de diminuer au cours des cinq prochaines années. Si la santé constitue une priorité pour le gouvernement, le leader peut-il expliquer pourquoi il n'agit pas avec plus de célérité?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il est important de noter que le montant total des paiements au titre du TCSPS, y compris les transferts en espèces, que l'on appelle des points d'impôt, s'élève maintenant à plus de 25 milliards de dollars par année et augmentera encore en 1998-1999. Il en résultera un plan de financement stable et prévisible.

 

Le développement des ressources humaines

Le recyclage des chômeurs-Les incitatifs offerts par Revenu Canada-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le gouvernement a déclaré que les soins de santé et l'éducation étaient des priorités. Les Canadiens en sont convaincus et l'ont dit clairement. Dernièrement, le premier ministre est apparu à la télévision faisant des discours sur l'éducation et annonçant comme une priorité la création d'un fonds pour aider les jeunes à surmonter les obstacles qui les empêchent de faire des études postsecondaires. Cependant, le gouvernement ne s'est pas attaqué aux autres problèmes de fond que sont pour les Canadiens le manque d'emplois et les conséquences de la mondialisation.

Outre faire des études, les problèmes auxquels sont confrontés les Canadiens sont comment trouver un emploi et le garder et comment relever le défi de la concurrence et du commerce international.

Ma question est la suivante: pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas procédé aux modifications nécessaires à Revenu Canada pour que les personnes qui suivent des cours de perfectionnement et les sociétés qui les appuient profitent des incitatifs fiscaux nécessaires à la réussite de programmes de la sorte?

Je pense en particulier à IPSCO Inc. et au parfait exemple donné par cette compagnie dans l'Ouest, non seulement parce qu'elle a diversifié ses échanges avec d'autres pays, mais aussi parce qu'elle a veillé à ce que ses employés acquièrent les compétences nécessaires pour relever la concurrence à l'échelle mondiale. Ce n'est que plus tard qu'IPSCO a découvert que faire des études postsecondaires constituait un avantage imposable pour les employés.

(1410)

Le gouvernement pourrait-il s'assurer que la situation soit rectifiée immédiatement? Le gouvernement pourrait-il également s'assurer que, dans le budget qu'il annoncera la semaine prochaine, l'éducation sera prioritaire? Je ne parle pas d'une initiative unique comme le Fonds du millénaire, mais bien d'incitatifs au recyclage sensés et intégrés dans les programmes de Revenu Canada.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la requête de l'honorable sénateur est valable et j'en ferai part à mes collègues.

Le sénateur Andreychuk: Le Cabinet ou le ministre ont-ils donné des instructions à Revenu Canada pour que ce problème soit réglé immédiatement et en toute priorité?

Le sénateur Graham: Pas à ma connaissance, honorables sénateurs, mais comme je viens de le dire, je prends cet engagement envers mon honorable collègue.

 

La santé

L'indemnisation des victimes de l'hépatite C-L'augmentation des paiements aux provinces-La position du gouvernement

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, les Canadiens victimes de l'hépatite C ont appris que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé n'avaient pu s'entendre sur la façon d'indemniser les gens qui ont contracté la maladie à cause du sang contaminé. Malgré l'incapacité des ministres provinciaux de parvenir à un accord sur cette question, on a précisé que les coûts actuels reliés aux victimes de l'hépatite C, comme les coûts des soins de santé et de l'assistance sociale, constituent un très lourd fardeau pour des budgets de santé déjà réduits. Les ministres ont prétendu que les compressions dans les paiements de transfert fédéraux au titre de la santé avaient beaucoup contribué à leur incapacité d'agir rapidement.

On estime qu'il y a environ 60 000 victimes de l'hépatite C au Canada. Il n'existe aucun vaccin ni aucun remède pour cette maladie qui détruit lentement la vie de nombreux Canadiens. Elle entraîne une fatigue chronique, une cirrhose du foie et le cancer du foie.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quand et, chose plus importante, comment le gouvernement fédéral va assumer ses responsabilités politique et financière en réglant la question de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question, car elle préoccupe certes les Canadiens de toutes les provinces et, plus particulièrement, les gens qui ont contracté la maladie par du sang contaminé.

Le ministre fédéral de la Santé et ses homologues provinciaux se sont très bien préparés pour les réunions d'hier, à Toronto. Même s'ils n'ont pu en arriver à une entente finale, ils ont décidé de continuer de collaborer pour mettre en place un régime d'indemnisation.

Il est évident que le gouvernement du Canada entend faire aboutir ces discussions, à l'instar, j'en suis persuadé, de tous les gouvernements provinciaux, et même si les ministres fédéral et provinciaux n'ont pu parvenir à un accord sur un régime conjoint d'indemnisation, ils ont signalé qu'on réalisait des progrès et que d'autres discussions auraient lieu.

Le sénateur Atkins: Le gouvernement fédéral va-t-il envisager d'accroître le financement global qu'il accorde aux provinces pour les aider à indemniser certaines des victimes qui vont avoir besoin d'une aide financière importante?

Le sénateur Graham: Le gouvernement du Canada entend bien aider ceux qui ont contracté cette maladie dans des circonstances si tragiques. C'est un engagement. En ce qui concerne la façon dont le gouvernement va aborder la question, on n'a pas encore établi les termes d'une entente avec les provinces, mais je peux garantir à mon honorable collègue que cela fait l'objet d'une étude continue, d'une attention toute particulière et d'un dialogue entre le ministre fédéral de la Santé et ses homologues provinciaux.

 

Le travail

L'examen de la Société canadienne des postes-Demande de rapport sur l'état d'avancement

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'ai lu le compte rendu de la réunion qui a eu lieu ici, le 3 décembre, lorsque le ministre du Travail et les hauts fonctionnaires de Postes Canada ont comparu devant nous. Ma question concerne l'examen en profondeur de Postes Canada qui devrait permettre de trouver le moyen d'éviter à l'avenir les interruptions des services postaux.

Au cours de son étude en comité plénier du projet de loi C-24 sur le maintien des services postaux, le Sénat a reçu l'assurance que des experts-conseils en gestion et des spécialistes des relations industrielles du secteur privé seraient chargés d'examiner en profondeur les rouages de Postes Canada afin qu'on puisse trouver des moyens de résoudre les problèmes de cette société. Le leader du gouvernement au Sénat présentera-t-il des instances auprès du ministre du Travail sur l'extrême urgence d'effectuer cet examen de telle sorte que la direction et les travailleurs de la quatrième plus grande société au Canada ne puissent plus jamais prendre en otages la population et le secteur des petites entreprises du Canada?

Pendant qu'il y sera, le ministre pourrait-il fournir un rapport des progrès accomplis jusqu'à maintenant dans la solution des problèmes de Postes Canada, qui sont nombreux? Beaucoup d'employés des services postaux craignent que des méthodes soient en place jusqu'à la prochaine série de négociations.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Avec plaisir, honorables sénateurs. Comme d'habitude, le sénateur Robertson rappelle de façon fort opportune les engagements qui ont été pris et je consulterai le ministre compétent et, en fait, le haut fonctionnaire compétent de la Société canadienne des postes, afin de pouvoir fournir une réponse dès que possible.

 


AFFAIRES COURANTES

La fonction gouvernementale autochtone

Présentation et impression en annexe du rapport du comité des peuples autochtones demandant l'autorisation de se déplacer et d'engager du personnel

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation des rapports des comités permanents et spéciaux:

L'honorable Charlie Watt, président du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant:

 

Le mercredi 18 février 1998

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

 

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 9 décembre 1997, à effectuer une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones relativement à la fonction gouvernementale autochtone, demande respectueusement que le comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire et à se déplacer à travers le Canada et en dehors du Canada aux fins de son enquête.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

 

Le président,
CHARLIE WATT

(Le texte de l'annexe figure à la page 449 des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Watt, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les télécommunications
La Loi sur la réorganisation et l'aliénation de téléglobe canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada.

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi C-17. En 1984, j'ai eu l'honneur de coprésider un groupe de travail sur les sociétés d'État. Ce travail se situait dans le cadre de la transition d'un gouvernement libéral à un gouvernement progressiste-conservateur.

(1420)

Notre groupe a été chargé de deux tâches. D'une part, il devait recommander un système plus efficace assurant l'orientation, le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés d'État fédérales. D'autre part, il devait repérer les sociétés d'État qui se prêtaient le mieux à la privatisation et établir les procédures et les échéanciers de ces privatisations.

Téléglobe Canada a été au nombre des sociétés d'État dont nous avons proposé la privatisation et qui devait, à notre avis, être parmi les premières à être mises en vente. Comme vous le savez, Téléglobe a été privatisée en 1987. J'ai suivi depuis l'évolution de cette société, et c'est pour cette raison que je m'intéresse particulièrement aux dispositions du projet de loi qui concernent Téléglobe et la réglementation des télécommunications internationales.

Je voudrais aussi parler d'une autre question connexe qui a trait aux répercussions du projet de loi sur la concurrence dans le domaine des télécommunications intérieures et, en particulier, sur la concurrence dans le marché des télécommunications locales.

Le sénateur Poulin a dit du projet de loi qu'il constitue un progrès en vue de l'instauration d'une concurrence dans les télécommunications internationales et qu'il nous permettra, au besoin, de respecter les obligations du Canada par rapport à l'Organisation mondiale du commerce. Ce sont là des objectifs fort louables que tous les sénateurs appuient, j'en suis certain.

Au cours de la dernière décennie, nous avons vu les avantages de la concurrence dans les télécommunications intérieures. Les tarifs ont chuté, et les services se sont multipliés. Cela a été extrêmement avantageux pour les entreprises et les consommateurs. Je pense qu'il convient toutefois de dire que la concurrence intérieure nous a été imposée par le marché, où elle a vu le jour. Il y a tout d'abord eu un modeste pionnier, puis quelques autres qui ont décidé de défier le monopole des sociétés de téléphone et qui ont finalement réussi. En fait, les politiques du gouvernement suivent le marché, elles ne lui donnent pas le ton. Je reconnais parfaitement que c'était un gouvernement progressiste-conservateur qui était au pouvoir à l'époque, mais je crains que nous ne suivions la même ligne de conduite dans le domaine des télécommunications internationales.

Si vous me permettez de faire une brève digression, je préciserai que c'est le comité sénatorial permanent des transports et des communications, alors présidé par mon collègue, le sénateur Oliver, qui a, lors de son étude préalable de la Loi sur les télécommunications, contribué à l'élaboration d'un cadre législatif pour la concurrence et le choix dans les télécommunications. Voilà le genre de travail très important que le Sénat accomplit, mais dont on lui reconnaît rarement le mérite.

Cependant, pour revenir à ce que je disais, je crains que le projet de loi C-17 ne soit un peu rétro par rapport au climat actuel de libéralisation des télécommunications internationales. La libéralisation est attribuable aux forces du marché et à l'Accord général sur le commerce des services pour les télécommunications de base, ou AGCS, auquel le Canada est un signataire et auquel madame le sénateur Poulin a longuement fait allusion dans ses observations ce matin.

En juillet 1995, le gouvernement a annoncé un examen de la politique relative à Téléglobe et aux télécommunications internationales. Les résultats de cet examen n'ont pas été divulgués. Au contraire, le gouvernement a, à l'occasion, émis un communiqué ou écrit une lettre, et pris des mesures marginales. Si le gouvernement a établi un cadre de politique pour la réglementation des télécommunications internationales, il ne l'a pas dit. Sauf tout le respect que je dois au sénateur Poulin et à ses collègues, il est très difficile d'évaluer ce projet de loi parce que nous ne savons pas à quelle fin il servira pour réglementer ou favoriser les intérêts canadiens dans le secteur des télécommunications internationales.

Parlons maintenant de Téléglobe. Comme vous le savez, la société Téléglobe a été créée en 1948 à titre de société d'État afin de remplir les obligations du Canada dans le cadre de la Conférence des télécommunications du Commonwealth. Depuis sa création, Téléglobe a été l'outil choisi par le gouvernement du Canada dans les télécommunications outre-mer. Par engagement d'honneur, on a attribué à Téléglobe un monopole dans l'acheminement des télécommunications outre-mer. Ce monopole a commencé en 1948 quand Téléglobe a acheté les intérêts de Marconi au Canada et est resté largement intact, même après la privatisation.

Cela convenait peut-être du temps où Téléglobe était une société d'État, mais le monopole de Téléglobe a été prolongé de cinq ans après la privatisation de celle-ci. En 1992, le monopole a été prolongé d'une autre période de cinq ans et, à la fin de cette prolongation, en 1997, il a été reporté jusqu'en 1998. Le monopole expirera en octobre 1998, conformément à nos obligations prévues dans l'AGCS.

Soit dit en passant, Stentor a conclu une entente avec Téléglobe qui assure à celle-ci 75 p. 100 de ses télécommunications pour deux ans après la supposée fin du monopole.

La raison que le gouvernement a donnée pour justifier ces reports de l'échéance du monopole, c'est qu'il voulait donner à Téléglobe le temps de se préparer à la concurrence. Je crois qu'il est juste de dire que Téléglobe n'est pas plus prête à la concurrence aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1987.

Ces trois reports n'ont fait que retarder la concurrence dans le secteur des télécommunications outre-mer, ce qui a été très profitable aux actionnaires, et je n'ai rien contre le fait que les actionnaires aient été récompensés. Les recettes d'exploitation de Téléglobe ont augmenté de près de 25 p. 100 en 1996 par rapport à 1995, mais ce report coûte cher aux Canadiens et aux entreprises canadiennes, car ils doivent payer des tarifs plus élevés pour les appels outre-mer. Les tarifs de Téléglobe sont considérablement plus élevés que ceux applicables aux appels interurbains de durée équivalente dans le réseau de télécommunications nord-américain, où la concurrence et le choix existent, ou encore aux appels outre-mer acheminés par les États-Unis, où la concurrence et le choix existent également.

Si vous voulez une preuve de ce que je viens de dire, vous n'avez qu'à regarder un article publié dans le Financial Post du 7 janvier 1998. Dans cet article, un cadre supérieur de Téléglobe annonçait que la société baisserait ses tarifs de plus de 12 p. 100 pour répondre à la concurrence qu'elle prévoit à la suite de la décision du 19 décembre dernier concernant un système de commutation connu sous le nom d'ISH ou «international switch hubbing». Je reviendrai à cette décision dans un instant.

Ces trois reports ont également permis à Téléglobe de se tailler une place importante sur le marché américain. Aux États-Unis, Téléglobe a préconisé la libéralisation de la réglementation en matière de télécommunications, et en a profité, bien qu'elle s'y soit opposée au Canada. Aux États-Unis, Teleglobe USA a des licences à la fois de revendeur et de transporteur ayant ses propres installations. La société a construit un centre de communication international et une passerelle Internet à New York. Les autorités américaines ont permis à Téléglobe de s'imposer dans les trois segments du marché, soit les transporteurs, les entreprises et les simples consommateurs.

Plus tôt ce mois-ci, Teleglobe USA Inc. a obtenu l'approbation de la US Federal Communications Commission pour acheminer les appels des États-Unis vers le Canada par son propre réseau plutôt que par des circuits loués aux transporteurs américains. Le monopole de Téléglobe ne permet pas ce genre de concurrence au Canada, et la société s'est opposée énergiquement à toute libéralisation de la réglementation dans notre pays. Par exemple, elle a demandé au CRTC de bannir le système de commutation appelé ISH ou «international switch hubbing». Téléglobe a elle-même recours à ce système. Ce à quoi Téléglobe s'oppose, c'est qu'une autre entreprise loue des circuits, puis s'en serve ensuite pour acheminer le trafic vers ses propres clients. L'ISH permet de faire ce que les pionniers de la revente ont fait au pays, ce qui a eu pour résultat de briser le monopole qui existait dans le domaine des appels interurbains intérieurs. Si Téléglobe réussissait à faire interdire l'ISH, toutes les entreprises canadiennes oeuvrant dans ce domaine devraient cesser leurs activités.

Téléglobe avait réussi à convaincre le CRTC d'interdire l'ISH, mais le 19 décembre de l'année dernière, le CRTC est revenu sur sa décision et a autorisé ce système de commutation.

Le 2 février, Téléglobe a demandé au CRTC de maintenir sa décision initiale et a demandé au Cabinet d'annuler la décision du CRTC, de la modifier ou de la renvoyer au CRTC pour qu'il l'étudie de nouveau. Dans sa requête au CRTC, Téléglogbe demande à l'organisme de maintenir «le statut et le mandat exclusif de Téléglobe».

L'objectif de Téléglobe semble on ne peut plus clair: conserver son monopole et retarder le plus longtemps possible l'entrée en vigueur des règles de la concurrence dans le domaine des télécommunications transocéaniques.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que les entreprises aient besoin de pouvoirs monopolistiques au Canada pour soutenir la concurrence à l'étranger. À mon avis, elles devraient d'abord apprendre à soutenir la concurrence au pays. J'estime que les consommateurs canadiens n'ont pas à subventionner les sociétés canadiennes pour qu'elles fassent des affaires à l'étranger, surtout s'ils sont privés des avantages de la concurrence et du choix dont bénéficient les consommateurs étrangers. Je ne crois pas que ce serait rendre service à Téléglobe que de retarder indéfiniment le jour où la firme devra affronter la concurrence.

Tout ce qui précède a un rapport direct avec le paragraphe 16.1(1) du projet de loi C-17. Cette disposition exige une licence du CRTC de tout fournisseur éventuel de services de télécommunications internationales. J'aimerais savoir pourquoi le gouvernement la juge nécessaire et à quelle fin servira le pouvoir de délivrance de licences. Ce que je crains et ce à quoi je m'opposerais, c'est que la disposition proposée pourrait servir à maintenir la position privilégiée de Téléglobe. Ceci pourrait l'aider puisque le paragraphe 16.1(1) proposé permet de restreindre ou de retarder la concurrence faite à Téléglobe Canada par des entreprises munies de réseaux d'installations ou par des revendeurs de service.

(1430)

L'autre question que j'aimerais soulever a trait au paragraphe 16.1(1) proposé et aux objectifs liés à la concurrence et au choix. Encore une fois, il serait bon de revenir un peu en arrière. En 1994, le CRTC en est arrivé à la conclusion qu'une plus grande concurrence et des services de télécommunication locale pourraient servir les intérêts du public. En mai de l'année dernière, le CRTC a rendu publique une nouvelle décision établissant le cadre de cette nouvelle concurrence. Toutefois, la décision de mai a restreint l'accès au marché local aux entreprises munies de réseaux d'installations, c'est-à-dire celles qui possèdent des câbles à fibres optiques ou d'autres installations de transmission.

Aux termes de la Loi sur les télécommunications, l'entreprise possédant des réseaux d'installations doit être en mesure de respecter certains critères précis relatifs à la part de propriété canadienne. Par suite de cette décision, les entreprises de télécommunication appartenant à des étrangers ou sous contrôle étranger n'ont pas le droit d'entrer dans le secteur des télécommunications locales au Canada - même celles qui se disputent déjà la faveur du consommateur à titre de revendeurs sur le marché canadien des interurbains ou de la revente Centrex et qui obtiennent de bons résultats. On me fait savoir que cette disposition pourrait bien être incompatible avec nos obligations internationales visant à ouvrir les télécommunications à la concurrence sur le marché de la revente, et que les services appartenant à des étrangers sont soumis à une discrimination face aux sociétés canadiennes. On peut aussi se demander si c'est bien là la meilleure façon de garantir un sain niveau de concurrence sur le marché des télécommunications et le plus vaste choix possible pour les consommateurs au chapitre des télécommunications locales.

La question aurait été traitée sous le paragraphe 16.1(1) proposé dans la version initiale déposée à l'autre endroit. La terminologie utilisée dans la première version du paragraphe proposé aurait permis au CRTC de regrouper tous les revendeurs, qu'ils appartiennent à des intérêts canadiens ou étrangers, sous l'autorité du CRTC. Cette mesure aurait permis au CRTC d'exercer un contrôle sur les revendeurs et d'alléger ses préoccupations au chapitre de l'accession des revendeurs au marché des télécommunications locales.

Toutefois, le paragraphe 16.1(1) proposé a été amendé à l'autre endroit, de façon à limiter son application aux fournisseurs de services de télécommunication internationale. De cette façon, les fournisseurs de services de télécommunication intérieure, ce qui comprend les services locaux, ne sont pas touchés. La raison de cet amendement à l'autre endroit n'avait rien à voir avec la question de la concurrence locale. Il semblerait que l'amendement ait été adopté un peu à la hâte et sans considération pour son influence sur la concurrence au niveau local.

Honorables sénateurs, je prétends que le Sénat devrait revoir cette question, comme il l'a fait de façon si constructive dans son étude préalable de la Loi sur les télécommunications. Ce que je dis au Sénat, c'est que le paragraphe 16.1(1), tel qu'il nous est présenté, soulève un bon nombre de questions qui sont au coeur même de la politique du gouvernement sur les télécommunications. Cela remonte peut-être à un point que je mentionnais au début de mes remarques. Peut-être que si nous avions un cadre politique pour les télécommunications, nous aurions une réponse à ces questions.

Des télécommunications efficaces et bon marché, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, sont un élément clé de la productivité, de la compétitivité et de notre capacité de bâtir une économie solide au XXIe siècle. L'expérience nous a montré que la concurrence et le choix contribuent à faire baisser le prix des télécommunications. En vertu des règles du GATS, le Canada s'est engagé à libéraliser son régime de télécommunications.

C'est dans cette optique que l'on doit examiner le projet de loi C-17. Est-ce que cette mesure va stimuler la libéralisation, la concurrence et le choix? Ou bien le projet de loi C-17 envisage-t-il la pérennisation des obstacles légaux à l'entrée des concurrents dans les télécommunications intérieures et extérieures? Ce que je demande, c'est que certaines de ces questions soient examinées lorsque le projet de loi ira en comité. J'espère que nous aurons quelques réponses.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, avant d'ajourner le débat au nom du sénateur Oliver, je voudrais poser une question au sénateur Kelly.

Un nouveau mot est entré dans mon vocabulaire il y a un moment, il s'agit de «ishing», basé sur l'acronyme ISH ou «international switched hubbing», la concentration du trafic international.

Le sénateur Kelly: Oui.

Le sénateur Kinsella: Que signifie «hubbing» ou concentration en l'occurrence?

Le sénateur Kelly: On parle de «concentration» lorsqu'un entrepreneur passe un contrat pour utiliser une partie du réseau de Téléglobe. Il y a concentration du trafic international lorsqu'il utilise ces installations pour réacheminer les appels de ses propres clients. En d'autres termes, il s'agit ici d'une entreprise satellite, et Téléglobe demeure sans concurrent.

Le sénateur Kinsella: Pour clarifier le principe général, ai-je raison de comprendre, d'après ce que le sénateur a dit, que l'objectif du gouvernement, en présentant ce projet de loi, en ce qui concerne l'article 16 proposé, était de limiter le monopole dont jouit Téléglobe à l'heure actuelle, mais qu'à cause d'un amendement, cela aura l'effet contraire?

Le sénateur Kelly: Fondamentalement, oui. La question plus large est celle-ci: dans combien de temps le gouvernement va-t-il préciser clairement la politique globale touchant ces activités? Je suppose que notre propre gouvernement a commis la même erreur. On annonce un objectif louable et on nuit ensuite à sa réalisation en faisant des réserves et en se livrant à des revirements à court terme, ce qui nous ramène à un monopole.

Le sénateur Kinsella: Enfin, ai-je raison de comprendre que dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, il y a tout un processus qui aboutira d'ici quelques mois, en octobre, et qui, en un sens, dépasse l'esprit du projet de loi?

Le sénateur Kelly: La meilleure réponse que je puisse donner à cela, honorables sénateurs, c'est qu'il y a encore trop d'indications, qu'on érige trop d'obstacles. Oui, cela devrait dépasser la proposition.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, il est clair que le projet de loi renferme plus que ce qu'on peut se rendre compte à première vue.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

 

La Loi sur les douanes
Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gigantès, appuyé par l'honorable sénateur Lucier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel.

L'honorable Eric Arthur Berntson: Honorables sénateurs, j'ai eu beau essayer, je n'ai pu trouver une raison impérieuse pour m'opposer à ce projet de loi.

Le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel, prévoit seulement que des agents des douanes désignés deviendront davantage des agents de la paix. À l'heure actuelle, les agents des douanes ne peuvent pas effectuer des arrestations comme les agents de la paix le font. Ils ne peuvent procéder à une arrestation sans mandat. Ils peuvent prendre d'autres mesures pour intercepter des gens à la frontière, mais ils ne peuvent pas les arrêter. La plupart des gens jugent qu'il y a bien des occasions où on devrait intercepter des individus à la frontière pour vérifier s'ils ont un casier judiciaire. À l'heure actuelle, c'est impossible.

Le projet de loi a un appui très large dans tout le pays, à cause de l'ampleur du problème que posent les gens entrant au Canada. Voyons ce qu'il en est. Des gens entrent au Canada alors qu'on croit qu'il peut y avoir des mandats non exécutés contre eux qui les rendraient indésirables.

L'an dernier, il y aurait eu entre 200 et 300 cas d'enlèvement d'enfants pour lesquels les agents des douanes n'ont pu rien faire à la frontière, entre 500 et 600 cas de personnes en possession de biens volés, surtout des voitures, et un grand nombre d'automobilistes soupçonnés de conduite avec les facultés affaiblies, soit entre 8 000 et 9 000 cas.

Cela ne veut pas dire que nous sommes entièrement satisfaits de ce projet de loi. Il y a encore des questions qui demeurent sans réponses, comme le financement et la formation. Il est très dangereux de confier aux agents des douanes les pouvoirs d'un agent de la paix, sans qu'ils sachent ce qu'ils peuvent faire en tant qu'agents de la paix qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant et sans qu'ils sachent naturellement comment traiter les preuves à recueillir dans une affaire criminelle, et cetera. Il y a une autre question qui nous intrigue: à quel critère un agent des douanes devra-t-il satisfaire pour être désigné agent de la paix? On ne nous a fourni aucun renseignement sur les critères auxquels les agents des douanes devront satisfaire pour devenir agents de la paix.

Outre ces petites questions, et peut-être d'autres qui pourraient être soulevées en comité, je ne vois rien de mal à ce projet de loi. Au contraire, il s'agit d'un pas dans la bonne direction.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

 

Le Sénat

Les préoccupations des Albertains-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Ron Ghitter, ayant donné avis le mardi 10 février 1998:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les préoccupations des Albertains à l'égard du Sénat en tant qu'institution, à savoir: son efficacité, son utilité et sa pérennité; d'autres modes de sélection de ses membres; la nature de sa représentation régionale et, plus particulièrement, le désir que toutes les provinces soient représentées par un nombre égal de sénateurs; la durée du mandat de sénateur; le rôle qu'un Sénat réformé pourrait jouer au plan national; les pouvoirs qu'il conviendrait qu'il exerce, en harmonie avec la Chambre des communes.

- Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet d'un avis d'interpellation. L'avis porte sur des éléments de la réforme du Sénat et je vous le présente en toute humilité comme un document qui, je l'espère, méritera notre attention à l'avenir.

Si un vote avait lieu aujourd'hui dans la province de l'Alberta sur la question de savoir s'il faut abolir ou non le Sénat du Canada, je crois que la majorité des Albertains se prononceraient pour l'abolition.

Si un vote avait lieu aujourd'hui dans la province de l'Alberta sur la question de savoir s'il faudrait élire ou non les sénateurs, les Albertains se prononceraient massivement en faveur d'un Sénat élu.

Si un scrutin avait lieu aujourd'hui dans la province de l'Alberta sur la question de savoir quelle profession a la pire réputation, les politiciens seraient en bonne place sur la liste avec les vendeurs de voitures usagées et les avocats et, s'il y avait une catégorie pour les membres du Sénat du Canada, je crois que nous nous classerions malheureusement dans les premiers rangs.

Je ne peux pas présumer du résultat que de tels votes ou scrutins auraient dans les autres régions du Canada, mais je soupçonne qu'il serait similaire.

Il est vrai que les Canadiens sont de plus en plus cyniques à l'égard de bien des institutions comme le Parlement fédéral, les assemblées législatives provinciales, les conseils municipaux, le système judiciaire et la plupart des dirigeants traditionnels de la collectivité. Il est vrai aussi que les Canadiens soupçonnent, pour une raison ou pour une autre, leurs dirigeants politiques de toutes sortes de choses, allant de l'incompétence à la malhonnêteté, en passant par l'élitisme et la cupidité.

Nos politiciens sont les cibles préférées. Il en a peut-être toujours été ainsi, mais ce qui devrait être aujourd'hui l'occupation la plus estimée au Canada, le service politique, ce qui devrait être la vocation la plus noble et la plus prestigieuse, a été relégué aux yeux de beaucoup au rang de l'occupation la plus vile et qui inspire le plus de méfiance. Cela constitue un problème grave, un problème qui exige réflexion, discussion et action.

La contribution que je veux apporter aujourd'hui au débat de cette interpellation vise à attirer l'attention sur un aspect du problème que je ne peux décrire qu'en en parlant comme de la tragédie du Sénat du Canada. Qu'est-il arrivé à cette institution créée en 1867 par sir John A. Macdonald pour protéger et représenter les régions du Canada et servir de contrepoids à la Chambre des communes élue par la population? Pourquoi le Sénat du Canada est-il tombé dans un tel discrédit, au point où, pas plus tard que le samedi 14 février dernier, le respecté journaliste William Thorsell en arrivait à la conclusion, dans son article publié dans la page éditoriale du Globe and Mail, qu'on devrait abolir le Sénat sans préjudice de sa réinvention, tandis que l'estimé observateur d'Ottawa, Douglas Fisher, soutenait dans un éditorial que le Sénat d'aujourd'hui n'avait plus aucune utilité?

Il est vrai que l'histoire grotesque d'Andrew Thompson a rempli le Sénat de honte et a agi à la façon d'un paratonnerre en attirant beaucoup d'attention négative sur notre institution, mais les sentiments négatifs des Canadiens à l'égard du Sénat étaient établis longtemps avant l'incident d'Andrew Thompson. Les critiques sont maintenant devenues plus stridentes et bruyantes, alimentées par des médias sceptiques et féroces, par le cynisme de la population et par une exigence accrue de «transparence» et de «responsabilité», qui sont les mots politiques à la mode en cette fin du XXe siècle.

Serait-il bon, dans l'intérêt supérieur du Canada, d'abolir le Sénat? En tant qu'Albertain, je répondrai clairement par la négative. Mes compatriotes albertains comprennent sûrement que les raisons fondamentales pour lesquelles on a créé cette seconde Chambre sont tout aussi valables aujourd'hui qu'elles l'étaient il y a 130 ans, sinon même davantage. Alors que la ville de Toronto envoie plus de députés à Ottawa que la province d'Alberta tout entière, ce déséquilibre ne justifie-t-il pas de façon criante une Chambre de représentation régionale? Le même déséquilibre existe malheureusement au Sénat, et je reviendrai plus longuement sur ce sujet dans un instant.

L'aliénation persistante des régions de notre pays est sûrement attribuable en partie au fait que nos régions se sentent impuissantes à Ottawa contre la domination des électeurs qui vivent dans les régions centrales du sud de l'Ontario et du Québec. Une Chambre politique qui représenterait réellement la Colombie-Britannique, les Prairies et les Maritimes sur un pied d'égalité avec les régions plus peuplées devrait sûrement être un antidote important à la malédiction historique de la domination du centre du Canada. Le système parlementaire bicaméral, avec ses freins et contrepoids, est un système dont le succès s'est sûrement avéré dans une démocratie comme valve de sûreté contre le risque d'oppression par la majorité.

J'interviens aujourd'hui de ma place au Sénat en qualité de Canadien venant d'une région qui croit fermement qu'il est important de nous doter d'une Chambre des régions qui soit la pierre angulaire d'une démocratie représentative fonctionnelle et équitable.

En quoi donc avons-nous fait fausse route?

(1450)

Pourquoi le Sénat est-il tellement rabaissé et ridiculisé? Quel genre de chirurgie faudra-t-il pratiquer pour le ramener à la vie aux yeux des Canadiens et lui rendre leur confiance?

Certains d'entre nous diront peut-être qu'une intervention superficielle suffirait. Ils pourraient faire valoir - et j'espère que ce sera le cas - que cet endroit fonctionne essentiellement de façon adéquate. Je ne partage cependant pas leur optimisme. Lorsque les Canadiens ne nous écoutent plus, sauf pour suivre des affaires comme la controverse impliquant le sénateur Thompson, lorsqu'on reconnaît à peine la valeur de cette assemblée ou qu'on ne le fait que du bout des lèvres, comme dans le cas de l'aéroport Pearson, de la Somalie, du RPC et d'autres sujets semblables, le Sénat est en difficulté.

Si on ne reconnaît pas la valeur du Sénat comme institution, on n'acceptera pas le travail qu'il fait. Le travail que nous accomplissons en comité ou pendant l'étude en profondeur des projets de loi sera en grande partie ignoré ou tourné en dérision. Et ce sera le cas tant que cette institution ne subira pas une réforme en profondeur.

Il y a quelque chose d'attristant dans ce que je viens de dire. Je trouverais tellement réconfortant et agréable de pouvoir parler plutôt du prestige du Sénat, de la reconnaissance dont il fait l'objet et de ma fierté d'être sénateur, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Je siège au Sénat depuis cinq ans et quand je regarde ceux qui m'entourent, je vois des personnes dévouées, instruites, des gens honorables, de grands Canadiens. Je vois des universitaires, des médecins, des spécialistes de nombreux domaines qui mettent leur sagesse et leur expérience à contribution de multiples façons. Beaucoup d'entre nous ont servi le Canada avec distinction dans les Parlements et assemblées législatives de notre pays. Je peux dire en toute franchise que certains sénateurs possèdent une expérience, une éducation et des états de service à la nation qui, bien souvent, surpassent de loin les talents des élus qui siègent à la Chambre des communes.

Je préférerais m'en remettre à tout moment à notre sagesse plutôt qu'à celle de l'autre endroit, si seulement nous pouvions l'appliquer sans parti pris et nous employer à défendre les intérêts des régions d'où nous venons et que nous sommes censés représenter en vertu de la Constitution, au lieu de défendre les partis politiques qui nous ont envoyés ici. Et pourtant, le Sénat canadien, en dépit de tous les talents, de la sagesse, de l'expérience, de l'éducation et du dévouement à la cause publique de ses membres, est condamné à l'abolition, au purgatoire ou carrément à l'oubli.

Honorables sénateurs, le moment est venu, je crois, de regarder la vérité en face. Le moment est venu pour nous d'être des agents de changement. Je me présente aujourd'hui devant vous non pas en tant que sénateur ayant l'intention d'être la voix de la conscience et de dénigrer cette institution pour des motifs purement égoïstes, mais plutôt en tant que sénateur convaincu de l'importance du Sénat et qui admire ceux qui viennent ici servir leurs concitoyens et qui, je l'espère, reconnaissent que notre existence même est en question, et aussi en tant que sénateur qui veut engager le dialogue et appeler à l'action car cela s'impose.

Nombreux sont ceux qui, dans cette enceinte, sont mieux équipés que moi pour comprendre nos maux et prescrire un traitement. J'attends vos commentaires. Depuis les quelques années que je suis ici, ce sujet n'a jamais été débattu. Le moment est venu de le faire. Le moment est venu de dresser un plan d'action pour que cet endroit se rachète. Ce sujet est trop important pour être négligé. L'initiative doit venir de l'intérieur. Il est trop facile de s'en laver les mains sous prétexte que cela ne dépend pas de nous, que c'est une question qui relève de la Constitution et que, fidèles au mot d'ordre lancé après les accords de Meech et de Charlottetown selon lequel personne, à moins d'être fou, ne veut toucher à la Constitution, nous préférons laisser tomber et remettre la question à plus tard.

Je prétends, moi, que cette Chambre peut prendre des mesures internes qui la rendront plus crédible et plus acceptable aux yeux des Canadiens. Je prétends, en outre, que nous pouvons utiliser l'influence immense de cette Chambre, par l'intermédiaire de nos caucus, de nos réseaux, de nos localités et de nos régions pour exiger, expliquer et promouvoir les modifications constitutionnelles nécessaires pour que le Sénat représente vraiment les régions du Canada, ce qui est sa raison d'être initiale.

Le fait est que, à l'heure actuelle, nous ne représentons pas les régions du Canada. Nous semblons plutôt représenter la volonté du parti politique qui nous a nommés. Pour confirmer cette constatation, il suffit de regarder comment nous sommes répartis dans cette enceinte: les libéraux de ce côté-là, les conservateurs de ce côté-ci. Ne devrais-je pas plutôt être assis à côté de mes collègues de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba? Les sénateurs de l'Ontario ne devraient-ils pas être assis ensemble pour représenter leur province? Si nous représentons vraiment nos régions, pourquoi représentons-nous des partis politiques? Que faisons-nous ici, à penser comme des politiciens? Nous ne sommes pas censés être des politiciens. Nous sommes ici pour faire profiter le Parlement de notre sagesse, pour représenter notre région et pour prendre des décisions sur des questions de politique. Nous ne sommes pas censés décider de ce qui est bon ou mauvais pour le Parti progressiste-conservateur du Canada ou pour le Parti libéral du Canada.

Nous ne devrions pas suivre les instructions de ceux qui nous ont nommés, mais plutôt celles des habitants des régions que nous représentons. C'était l'intention première des concepteurs de notre Constitution. Je suppose que certains diront que c'est naïf de penser ainsi, que d'autres diront que c'est absurde. Je conseille à ceux-là d'aller lire la transcription des premières discussions sur notre Constitution et la création du Sénat pour connaître les raisons de notre présence ici et les responsabilités qui nous incombent.

Un fait demeure: la composition inégale du Sénat ne confère pas à notre institution l'équilibre dont elle aurait besoin, de la façon dont le souhaitait sir John A. Macdonald. L'établissement de cet équilibre rassurerait les habitants de toutes les régions du Canada. Les Canadiens sauraient ainsi que leurs intérêts ne sont pas balayés du revers de la main à cause de la présence prépondérante des sénateurs de l'Ontario et du Québec. Ce sont ces sénateurs qui diront, aujourd'hui, que la question a été étudiée jusqu'à plus soif, ce qui est vrai. Ils diront qu'il n'y a rien de neuf à ajouter à ce débat. Je suppose que c'est vrai également. Ils ont peut-être raison, mais nous pouvons aussi affirmer notre ferme désir de changement, et adopter un plan d'action pour que ces changements aient vraiment lieu.

Avant de faire part de mes suggestions, je veux décrire quelques-unes des raisons qui font que, à mon avis, nous nous trouvons dans la position que j'ai décrite. Premièrement, nous ne représentons pas notre région, mais notre parti. Ainsi, à quelques exceptions près, nous prenons la défense de notre parti plutôt que la défense de notre région. Deuxièmement, la représentation régionale au Sénat est inégale, ce qui crée un déséquilibre comparable à celui qu'on trouve à la Chambre des communes. Troisièmement, nous ne sommes pas élus et nous sommes donc considérés comme des représentants n'ayant pas de comptes à rendre. Quatrièmement, les règles de nomination des sénateurs sont sectaires en soi; le choix des sénateurs relève du premier ministre, qui a tous les pouvoirs et aucune obligation de demander conseil à une source non partisane ou provinciale.

Cinquièmement, je dois avouer que je doute que beaucoup de nos dirigeants tiennent à avoir un Sénat efficace où seraient représentées les régions. Je doute que le premier ministre actuel désire un tel Sénat parce que le Sénat lui donne la possibilité d'imposer la loyauté et de récompenser ses amis. Je ne crois pas que nos premiers ministres provinciaux tiennent réellement à transformer le Sénat parce qu'une forte représentation régionale au Sénat diminuerait leur influence dans leur propre province. Ils apprécient d'ailleurs cette influence depuis l'institutionnalisation des réunions des premiers ministres.

Je crois aussi que quelques sénateurs ne veulent pas vraiment changer le Sénat parce qu'ils s'y sentent bien et ne tiennent pas à faire de vagues. Les députés, qui n'ont qu'un semblant d'intérêt pour la réforme du Sénat, savent bien qu'ils pourraient être contraints de céder une partie de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités si le Sénat était réformé. Je doute que même ceux qui disent du bien de la réforme veuillent que cela se produise.

Les groupements politiques utilisent souvent le Sénat pour se faire du capital politique. Il y en a qui, dans des mouvements simplistes de réclamation d'un Sénat élu, se rabaissent et rabaissent nos institutions avec des mariachis et des sombreros. Mais à ceux-là, je rappelle que, en 1984, un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a recommandé que les sénateurs soient élus et que cette recommandation a été approuvée par le Sénat. Je leur suggère d'aller faire voir leur sombreros à l'autre endroit et d'amener leurs mariachis faire leur numéro devant le premier ministre, qui refuse d'agir. J'ajouterai que, s'ils sont sincères dans leurs revendications, il serait, à mon avis, beaucoup plus urgent d'exiger l'égalité dans la représentation des régions que l'élection des sénateurs.

Que pouvons-nous faire? Tout d'abord, peu importe ce que nous ferons, il faut que notre action soit dégagée de toute coloration partisane. Nous devons mettre de côté nos allégeances politiques et travailler en harmonie pour mettre en oeuvre un plan d'action. Deuxièmement, nous devons réaffirmer notre attachement à certains principes fondamentaux.

(1500)

Premièrement, le Sénat doit décider s'il convient d'opter pour un Sénat élu ou pour une façon non partisane plus acceptable de choisir les sénateurs. À cet égard, je suis d'avis qu'un Sénat élu n'est pas la meilleure solution, même si ce serait certainement mieux que la façon dont les sénateurs sont nommés aujourd'hui. Je préférerais un processus selon lequel les nominations seraient faites par un tribunal non partisan, d'après les recommandations du gouvernement fédéral et du premier ministre de la province où il y a une vacance.

En élisant les sénateurs, nous ne ferions que reproduire ce qui se passe à la Chambre des communes, avec tout le sectarisme politique que je voudrais éviter ici. En élisant les sénateurs, nous exclurions aussi beaucoup de Canadiens exceptionnels qui accepteraient de servir si on leur demandait, mais qui ne voudraient pas briguer les suffrages. Beaucoup d'entre nous sont déjà passés par là et en ont assez des campagnes électorales. Deuxièmement, je recommanderais que les provinces ou les cinq régions du Canada soient représentées également. Troisièmement, je suggérerais que nous enlevions au Sénat son droit de veto pour le remplacer par un pouvoir suspensif raisonnable. Quatrièmement, je recommanderais que le mandat des sénateurs ne dépasse pas dix ans. Le comité mixte avait recommandé qu'il soit de neuf ans. En dépit du grand respect que j'ai pour les sénateurs qui sont ici et qui travaillent ici, je ne vois pas pourquoi on resterait au Sénat plus de dix ans.

Clarifions notre position et servons-nous ensuite de notre influence, grâce à une stratégie concertée, pour faire en sorte que ces changements se produisent. Examinons, comme nous l'avons fait dans le passé, ce que nous pouvons faire nous-mêmes pour être plus efficaces. Le statu quo tire à sa fin. Les Canadiens ne toléreront pas la situation actuelle encore longtemps. Les signes sont là. Le statu quo veut dire l'érosion continue de cet endroit et une diminution de notre travail. Le statu quo veut dire que notre travail et nos efforts perdront toute leur signification et que, dans ce cas, nous ferions aussi bien de rester à la maison.

Je dis à ceux qui ne sont pas d'accord avec moi, ou qui souhaitent renforcer, nuancer ou modifier mes propos, que je serai heureux de les entendre dans le cadre de cette interpellation. Cela dit, nous devons tous reconnaître que le moment est venu d'agir, avant qu'il ne soit trop tard.

Permettez-moi de conclure en citant un extrait d'une lettre envoyée au sénateur Poulin. Cette lettre, que plusieurs d'entre vous avez vue, est parvenue à mon bureau hier matin et provient d'une résidente d'Ottawa, Mary Koven:

 

Vous et vos collègues devez décider si vous voulez être des agents proactifs de changement et assumer le leadership nécessaire pour effectuer des changements constructifs et positifs, ou si vous voulez être contraints d'adopter une position défensive et de réagir face à la critique. L'image du Sénat va continuer de se détériorer. Le Sénat sera perçu comme désuet, dépassé et ennuyeux. Qui plus est, il sera considéré comme une institution qui n'a plus sa place, ou que les contribuables n'ont plus les moyens de se payer. Autrement dit, il faut mener, sinon on se fait mener.
Je suis tout à fait d'accord avec ce point de vue.

Honorables sénateurs, je compte sur vous pour jouer un rôle actif suite à cette interpellation.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période de 15 minutes accordée au sénateur Ghitter est expirée. Celui-ci a-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Ghitter. Si le Sénat doit être une institution non partisane, cela suppose-t-il que l'on devrait continuer d'appliquer la notion de gouvernement responsable comme on le fait en défendant des projets et en répondant aux questions de l'opposition? Le ferait-on uniquement pour un plus petit groupe de personnes représentant le gouvernement, ou devrions-nous oublier la notion de gouvernement responsable au Sénat?

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivé au Sénat, j'ai été étonné de constater qu'il y avait une période des questions. Je me suis demandé pourquoi il y avait une période des questions, alors que personne n'écoute? Nous avons une période des questions et celle-ci est une excellente occasion de dialoguer, mais est-ce vraiment une méthode de communication efficace?

Il est question de double emploi par rapport à ce qui se fait à l'autre endroit. Pourquoi répéter ici ce qui se fait là-bas? Nous devons nous pencher sur la pertinence de cette période. Je ne suis pas sûr que cela ait encore une raison d'être. Il est question de la procédure pour faire examiner la politique par les comités et pour lancer des débats afin de régler des questions qui ont un intérêt pour nos régions. Il serait temps de se demander s'il est vraiment profitable de refaire ici ce qui se fait à l'autre endroit, alors que personne n'écoute durant l'heure consacrée à la période des questions orales.

Dans le cadre du nouveau mouvement de réforme, des discussions s'imposent sur une gestion plus efficace de notre temps et sur les moyens de nous attaquer ensemble à des problèmes touchant nos régions au lieu de nous en prendre les uns aux autres à des fins politiques. Cela ne devrait pas être notre rôle en cet endroit.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, dans le commentaire que le sénateur Ghitter a repris à l'appui de son argumentation, M. Thorsell propose également l'abolition de la monarchie. Je doute fort que cette idée trouverait preneur dans notre pays en ce moment. Sûrement pas parmi nous, de ce côté-ci. En fait de base d'argumentation, j'ai vu mieux; ce n'est pas très solide comme plate-forme sur laquelle ériger une potence pour se pendre.

De plus, en ce qui concerne M. Douglas Fisher, j'espère avoir l'occasion d'aborder ses commentaires, car j'ai beaucoup plus de respect pour lui, même si je n'ai jamais été d'accord avec lui et espère ne jamais l'être non plus.

Ce qui me dérange le plus dans l'argumentation du sénateur Ghitter, c'est la question des conflits d'intérêts. J'ai peut-être mal entendu ce qu'il a dit, mais je l'ai entendu dire que, parce que je suis membre du Parti libéral, je suis en situation de conflit d'intérêts comme représentant de la région de l'Ontario. Je n'en suis pas convaincu.

Je ne crois pas qu'il y ait de conflit quand les sénateurs parlent au nom de leur région. Je sais que, lorsque l'ex-sénateur MacEachen, ou encore le sénateur Murray ou le sénateur Stewart parlent pour leurs régions respectives, ils ont chacun leur perspective, mais leur vision générale est la même.

Je trouve l'orientation de l'argumentation du sénateur Ghitter difficile à accepter. Peut-être pourrait-il me dire où est le conflit dans le fait d'être libéral et de représenter une région au Sénat, et la mienne en particulier. Je ne vois pas de conflit. Si je pense à toutes les questions sur lesquelles j'ai été appelé à me prononcer en cette Chambre, jamais, à de rares exceptions près, je n'ai fait passer la ligne du parti avant mon opinion. Pas plus tard qu'hier, j'ai exprimé une opinion différente de celle du gouvernement.

Le sénateur Ghitter: Je respecte au plus haut point la position du sénateur Grafstein. Cependant, les éditoriaux de M. Thorsell et de M. Fisher n'étaient que deux exemples de nombreux éditoriaux qui se ressemblent. Mes arguments reposent non seulement sur des observations faites dans des éditoriaux, et sur mes lectures dans les journaux, mais également sur ce que disent les Canadiens ordinaires. J'entends ces propos constamment. Si le sénateur Grafstein ne les entend pas, c'est peut-être parce qu'il visite d'autres régions que moi. Pour ma part, j'entends fréquemment ces propos.

Il ne m'est jamais venu à l'esprit qu'il y avait conflit. Cependant, et je ne siège pas au Sénat depuis aussi longtemps que le sénateur Grafstein, je l'ai constaté en de nombreuses occasions, lorsque les whips n'étaient pas là, des sénateurs m'ontdit: «Je ne voterais pas de cette façon, mais c'est la volonté de mon parti.» J'ignore si cela signifie qu'il faut accorder la priorité à la région ou au parti. Je suis peut-être naïf, mais j'ai participé à bien des débats où, après avoir reçu des appels, les sénateurs se présentaient et votaient selon la discipline de parti. Si vous me dites que cela ne se produit pas, c'est votre avis, mais je ne le partage pas.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivé au Sénat, je savais que je n'adhérais pas au club le plus populaire du Canada. La question que j'adresse au sénateur Ghitter fait suite à celle du sénateur Nolin qui portait exactement sur le même sujet. Notre Président, le sénateur Molgat, a participé pendant de nombreuses années au premier débat constitutionnel qui a eu lieu dans tout le Canada.

(1510)

Nous avions de bonnes propositions à présenter au sujet du Sénat. Il ne s'agit donc pas de dix ou neuf ans. Nous avons parcouru tout le Canada en 1970-1971, et j'étais membre du comité qu'il présidait à l'époque et qui écoutait les points de vue des Canadiens.

Je suis heureux que vous proposiez une représentation régionale. Vous avez mentionné cinq régions. Je crois que je pourrais faire accepter cette proposition n'importe où, y compris au Québec, mais je ne suis pas sûr que vous pourrez la faire accepter dans votre quatrième région, qui comprendrait la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta. À mon avis, la Colombie-Britannique devrait constituer une région. Il faudra que vous m'aidiez dans ma réflexion à ce sujet. Si vous pouvez faire accepter cette proposition au Manitoba et en Alberta, je serais très heureux de convenir qu'il existera désormais cinq régions. Il y aurait, disons, 100 sénateurs.

Le deuxième point que je voudrais débattre avec vous est exactement celui que le sénateur Nolin a soulevé avec vous.

[Français]

J'aime la logique, mes études classiques m'ont forcé à l'apprendre. Vous dites, d'une part, en réponse au sénateur Nolin, que nous ne devrions pas répliquer à ce qui se passe à la Chambre des communes, que nous n'aurons pas besoin de leadership, que nous n'aurions pas de législation. D'autre part, vous avez dit qu'il faudrait que nous abandonnions notre droit de veto; cela me semble être une contradiction. Abandonner le droit de veto à quel sujet? Sur la législation qui viendrait de la Chambre, là je serais d'accord avec vous. Mais qui présenterait la législation à la Chambre? Le sénateur Nolin a soulevé ce point.

[Traduction]

Qu'en est-il des rares élus qui nous informeront de ce qui se passe à l'autre endroit? Je vois qu'il y a du travail à faire, comme le dit si bien M. Chrétien.

Je suis en grande partie d'accord avec ce que vous dites, mais je n'entends pas me croiser les bras. Ces deux derniers mois, j'ai pris le temps de rédiger ma conception du Sénat idéal. J'ai tenu compte des opinions exprimées par les Canadiens et je voudrais débattre chaque argument mis de l'avant par ceux qui demandent une représentation égale des provinces. Les Canadiens devraient être bien renseignés et j'espère qu'on se joindra à moi pour leur expliquer ce que signifie exactement un Sénat élu. Si cette proposition était retenue, et je doute qu'elle le soit, il y aurait dix sénateurs du Québec, dix de l'Ontario et dix de l'Île-du-Prince-Édouard. Supposons maintenant qu'un des dix sénateurs de l'Ontario s'oppose aux 120 députés de la province. Que dirait alors ce sénateur élu? Il soutiendrait que l'opinion des membres élus de la Chambre des communes ne compte pas, puisque, à lui seul, il représente douze députés.

Ces temps-ci, dans les conversations qui portent sur le Sénat, un commentaire revient constamment. On se plaint que le Sénat coûte trop cher et que les sénateurs devraient être élus. Je me suis penché là-dessus. Un Sénat élu coûterait de 160 à 200 millions de dollars. Si les Canadiens sont prêts à assumer ce coût, c'est correct, mais il faut qu'on le leur dise. Notre tâche consistera à analyser les tenants et les aboutissants de la proposition pour être en mesure de dire: «Ce sont les contribuables qui décident, au bout du compte. Ce sont eux et non les universitaires ni les constitutionnalistes», avec tout le respect que je dois au sénateur. Les Canadiens doivent savoir de quoi l'on parle au juste, quand on dit que le prix est trop élevé. Abolir le Sénat, ce serait la réforme la plus simple. J'aimerais connaître vos réflexions à cet égard. Quand des gens me disent qu'il serait préférable d'abolir le Sénat, je leur répond: «D'accord, mais pouvez-vous vendre cette idée?» Je vais essayer d'en discuter sans jamais mentionner le Québec, pour ne pas énerver les Canadiens. Je dirai: «Si l'on peut faire accepter à la Colombie-Britannique et à l'Alberta qu'elles seront dominées par l'Ontario s'il n'y a qu'une Chambre, qu'on vienne me le dire.»

Si on abolissait le Sénat, il n'y aurait qu'une Chambre et il faudrait alors assurer la représentation proportionnelle. Les provinces atlantiques seraient-elles prêtes à passer de 32 représentants au nombre qu'elles devraient avoir, soit pas plus de 21? Voulez-vous me dire que la Saskatchewan et le Manitoba sont prêtes à se contenter de dix ou onze représentants, selon une répartition proportionnelle, sans aucune protection de leurs droits acquis? Si tel est le cas, qui enlèverait des sièges à la Colombie-Britannique et à l'Alberta? Ce ne serait pas le Québec, mais la Saskatchewan et le Manitoba, qui ont maintenant sept sénateurs.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-ce qu'il s'agit d'une question?

Le sénateur Prud'homme: Non, honorables sénateurs.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, je serai très bref. Je suis satisfait d'avoir provoqué un certain débat. Je n'ai pas la réponse à la question du sénateur, ni à celle du sénateur Nolin, mais on pourrait travailler sur les modalités.

Quant aux chiffres, je vous renvoie aux conclusions du comité mixte de 1984, qui est arrivé à ceci: 12 pour l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba respectivement, et 24 pour l'Ontario et également pour le Québec. Il y a des chiffres semblables pour les autres provinces également. Rien de nouveau sous le soleil. Chose certaine, la réforme du Sénat n'a rien de neuf, mais les questions que vous soulevez méritent discussion. J'espère que ce débat aura lieu et qu'un consensus se dégagera.

À une étape ultérieure, j'entends présenter des avis de motion au Sénat pour faire une étude plus précise, une fois que nous aurons débattu cette interpellation et entendu la suite du débat.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je veux être sûr d'avoir bien compris le sénateur. Lorsque j'ai posé une question sur le gouvernement responsable, il n'a pas dit qu'il n'y aurait pas de mesures législatives déposées au Sénat.

Le sénateur Ghitter: Non.

Le sénateur Nolin: Nous devrons inventer un processus quelconque pour que des groupes plus petits puissent proposer des projets de loi et les défendre.

Le sénateur Ghitter: Exactement.

(Sur la motion du sénateur Gigantès, le débat est ajourné.)

 

La difficulté d'accès aux installations pour les personnes handicapées-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Brenda M. Robertson, ayant déposé avis le 12 février 1998:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur son manque d'accessibilité pour les Canadiens handicapés et sur le moyen d'aborder les questions touchant l'invalidité.

- Honorables sénateurs, lorsque j'ai fait inscrire cette interpellation, j'étais intriguée par bien des choses qui s'étaient passées. Je ne distingue pas nettement comment il faut aborder la question de nouveau. On peut sans doute dire qu'une valeur centrale de la société canadienne est la conviction que tous les citoyens sont égaux. Cet engagement à l'égard de l'égalité dans la diversité qui permet aux Canadiens de voir grand et de réaliser de grandes choses a un effet marquant dans la vie de chacun. Voilà l'optique dans laquelle je vous adresse la parole aujourd'hui.

En faisant inscrire mon interpellation, je voulais attirer l'attention des sénateurs sur un certain nombre d'obstacles qui empêchent les Canadiens handicapés de participer à la vie du Sénat et proposer une stratégie pour améliorer la situation.

 

Recours au règlement

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous commençons tôt le mercredi pour pouvoir ajourner nos travaux vers 15 heures pour que les comités se réunissent. Cette règle a-t-elle été mise de côté?

Le sénateur Berntson: Il n'y a jamais eu une telle règle.

Le sénateur Stewart: Cette entente a-t-elle été mise de côté?

Le sénateur Lynch-Staunton: C'était une règle lorsque nous siégions de votre côté.

Le sénateur Stewart: Je comprends. Vous avez tout à fait raison.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne pense pas que le point que soulève le sénateur soit un rappel au Règlement. Le Sénat siège. Nous avons un Feuilleton. Nous aurons très bientôt épuisé ce dernier. Il y a une entente que le leader adjoint du gouvernement et le chef adjoint de l'opposition tentent d'appliquer, et la séance d'aujourd'hui est courte en vertu de cette entente. Nous sortirons d'ici dans dix minutes environ. La séance achève.

(1520)

En ce qui concerne le rappel du Règlement, le Sénat siège. Nous n'avons aucune règle à suivre jusqu'à ce que nous ayons terminé avec l'ordre du jour.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je n'ai pas le pouvoir d'arrêter le débat. Si, à un moment donné, le Sénat s'entend sur la question et me donne le pouvoir, je pourrai agir. Mais je ne peux pas maintenant.

Veuillez continuer, sénateur Robertson.

L'honorable Brenda M. Robertson: Comme je le disais, honorables sénateurs, je propose une stratégie s'appliquant aux personnes handicapées et qui pourrait contribuer à améliorer la situation.

Pour illustrer mes propos, je poserai la question suivante. Qu'ont en commun Monet, Milton, Beethoven et Roosevelt? Monet, l'impressionniste français, a peint certaines de ses plus grandes oeuvres malgré une vue faiblissante. De même, John Milton, le poète anglais, a écrit certains de ses meilleurs poèmes après avoir perdu la vue. Beethoven a composé certaines de ses plus grandes oeuvres, y compris ses derniers quatuors à cordes, après avoir perdu l'ouïe; et le président Roosevelt a dirigé les États-Unis pendant la crise des années 30 et la Seconde Guerre mondiale alors qu'il était pratiquement cloué dans un fauteuil roulant.

Rares sont ceux qui se souviennent de ces êtres exceptionnels en raison de leur handicap; la plupart se souviennent d'eux pour leur contribution historique qui a transcendé leur époque et qui a enrichi notre société et, bien entendu, notre civilisation.

À une échelle plus modeste, c'est peut-être pour cette raison que les honorables sénateurs ont accepté leur nomination à cet endroit. Nous n'aspirons pas à être des artistes, des écrivains, des compositeurs ni des présidents, mais nous voulons travailler à l'enrichissement de notre pays et à la bonification de la société canadienne.

L'idée maîtresse dont je veux parler aujourd'hui est la suivante: la situation devrait-elle être différente pour une personne handicapée qui souhaite mener une vie remplie et productive au Canada?

Honorables sénateurs, nous reconnaissons le droit des handicapés de vivre dans un Canada qui fait la promotion de l'égalité et qui défend ce principe, qui encourage l'autonomie et l'indépendance et qui offre des possibilités de participer pleinement aux affaires civiques et communautaires. La société canadienne valorise beaucoup l'apport économique et social de chaque individu et elle a à coeur de supprimer les obstacles qui limitent la participation et l'apport individuels.

Au Canada, nous avons fait d'énormes progrès depuis l'Année internationale des personnes handicapées en 1981. Des mesures de défense et de promotion énergiques ont débouché sur des stratégies qui ont entraîné des changements fondés sur des partenariats reflétant parfaitement notre tissu social.

En réalité, les progrès qui visent les personnes handicapées ne sont accomplis qu'en l'absence de sectarisme et de paternalisme. Les progrès réels sont accomplis par le biais de partenariats fondés sur des valeurs communes et sur un engagement commun par rapport à un plan d'action.

Qu'est-ce que cela signifie pour le Parlement du Canada et, par conséquent, pour le Sénat? Permettez-moi de lire un extrait d'un rapport intitulé «Accès - Situation actuelle».

 

Pour certains, le Parlement du Canada est un magnifique ensemble d'édifices historiques situés sur un promontoire dominant la rivière des Outaouais. Pour d'autres, c'est une tribune où les représentants des citoyens façonnent le cours de l'histoire de notre nation. Pour d'autres encore, le Parlement est une institution gouvernementale qui est le reflet des intérêts et des valeurs que partagent les Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Pour ma part, le Parlement c'est tout cela et davantage. Par ses initiatives, le Parlement protège nos droits individuels et collectifs et donne un sens à la notion d'égalité pour tous.
C'est par cette déclaration que s'ouvre un rapport de 1993 qui passe en revue les initiatives adoptées par la Chambre des communes, l'autre Chambre quoi, pour répondre aux besoins des Canadiens handicapés. Il insiste sur le principe de l'égalité et fixe un objectif à l'autre Chambre dans le cadre de sa stratégie de changement.

Je crois que «l'égalité pour tous» devrait être l'objectif de la stratégie du Sénat. Il s'agit d'éliminer tous les obstacles qui restreignent l'accès des Canadiens handicapés à l'ensemble des activités du Sénat.

Soit, l'autre Chambre fait figure de proue pour ce qui est des initiatives visant à répondre aux besoins des personnes handicapées, notamment dans les domaines de l'accès physique, de l'information publique, ainsi que de la politique et des pratiques d'emploi, mais il n'en reste pas moins que le Sénat a également fait sa part pour s'adapter aux personnes ayant des besoins spéciaux. De grands progrès ont été faits pour améliorer l'accès physique aux installations du Sénat. De plus, des hauts fonctionnaires chargés des ressources humaines sont à élaborer une politique et un programme devant servir à régler les questions d'équité en matière salariale, et examinent la possibilité d'améliorer l'accès des Canadiens mal entendants à la ligne 1-800 du Sénat.

Cependant, malgré des progrès réels, les honorables sénateurs ne peuvent pas et ne devraient pas s'attendre à ce que les hauts fonctionnaires et les membres du personnel du Sénat puissent se passer de l'appui et des directives de la Chambre. Il faut savoir qu'il y a au Canada plus de 4 millions - 15,8 p. 100 de la population - de personnes handicapées. Le fait est que ces citoyens sont confrontés à certains obstacles de taille lorsqu'ils veulent participer pleinement aux activités du Sénat - que ce soit en tant que sénateur, en tant qu'employé du Sénat, en tant que visiteur du Sénat, en tant que témoin devant comparaître à un comité ou en tant que simple citoyen cherchant à se renseigner sur le Sénat.

Les obstacles à l'accessibilité sont multiples. Par ailleurs, il importe de noter que l'accessibilité ne veut pas dire seulement: «Les personnes handicapées peuvent-elles passer par la porte?» - car le Centre d'accueil des visiteurs assure à tous les visiteurs, sénateurs et employés qui le désirent l'accès à l'entrée principale de l'édifice du Centre. Non, une véritable accessibilité veut dire aussi: «Les visiteurs handicapés peuvent-ils s'asseoir confortablement dans la tribune?»

Une véritable accessibilité veut dire également: «Le premier ministre peut-il recommander au Gouverneur général la nomination au Sénat de personnes handicapées? Peut-il faire cela alors qu'un sénateur handicapé ne peut pratiquement pas accéder à sa place? Nous avons remarqué que c'est le cas pour un de nos collègues. Il doit déployer beaucoup d'efforts pour accéder au Sénat. Le premier ministre peut-il faire cela alors que les documents et publications du Sénat ne sont pas accessibles aux personnes souffrant d'une déficience visuelle? Si quelqu'un ne peut lire ce que nous faisons, comment prendra-t-il connaissance de nos travaux et comment y participera-t-il?

La pleine accessibilité signifie aussi ceci: une personne handicapée peut-elle devenir un employé du Sénat lorsque, par exemple, on ne prévoit pas de fonds pour du matériel spécialement adapté aux employés handicapés ou lorsque les lieux de travail ne sont pas accessibles et que les emplois ne sont pas annoncés sur des supports de substitution?

La pleine accessibilité signifie également ceci: les Canadiens handicapés peuvent-ils recevoir de l'information publique sur le Sénat lorsque les brochures et les documents ne sont pas disponibles sur des supports de substitution?

Honorables sénateurs, les obstacles à un plein accès des Canadiens handicapés au Sénat suscitent un certain nombre de questions compliquées. Permettez-moi d'en mentionner deux. Certains croient qu'en raison de l'article 15 de la Charte des droits et libertés, qui interdit la discrimination fondée sur une déficience physique ou mentale, le Sénat pourrait être accusé de faire de la discrimination, notamment parce qu'il n'est pas suffisamment accessible. D'autres croient que les considérations patrimoniales doivent être prises en compte lorsque l'on étudie la question de l'accès physique et qu'il est donc difficile de bien doser les considérations patrimoniales et celles concernant l'accès physique.

Indépendamment de ces questions un peu compliquées, la question à laquelle nous devons répondre, honorables sénateurs, est la suivante: les Canadiens handicapés sont-ils prêts à accepter un accès limité au Sénat? C'est une situation qui subsistera sûrement si nous continuons de trouver cela naturel. Au contraire, préféreraient-ils que nous adoptions une approche davantage proactive et que nous élaborions une stratégie qui nous placera sur la voie de l'égalité pour tous? Honorables sénateurs, je pense que la réponse est évidente.

Il me semble que le moment est tout à fait opportun. Le projet à long terme de rénovation des édifices parlementaires nous donnera l'occasion de faire certains changements afin de garantir un meilleur accès physique. Il faut encourager les représentants du ministère des Travaux publics, de la Chambre des communes, du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement à répondre aux besoins des Canadiens handicapés. Voilà pourquoi je propose aujourd'hui au Sénat un projet unique en ce qui concerne l'accès des handicapés. C'est un projet qui arrive à point nommé et qui est pertinent et abordable.

Au cours des trois derniers mois, j'ai discuté de l'idée que le Sénat donne l'exemple en matière d'invalidité avec plusieurs collègues ministériels et de l'opposition. Au fil des ans, le sénateur Doyle a réclamé sans cesse qu'on prenne des mesures éclairées au sujet de cette importante question. J'ai également proposé, lorsque je présidais le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure qu'on prenne des mesures pratiques. Encore récemment, j'ai soulevé la question au comité afin d'obtenir des appuis. J'ai discuté de mes préoccupations avec la nouvelle présidente du comité.

Aujourd'hui, je souhaite proposer un processus spécifique qui permettrait au Sénat de rattraper tout le temps perdu avant d'en arriver à un plan cohérent pour traiter des questions d'invalidité. Le processus comprend trois étapes simples.

Étape 1: Inviter le greffier du Sénat à établir un comité spécial de hauts fonctionnaires ayant pour mandat d'examiner la capacité du Sénat d'offrir des services aux Canadiens handicapés. En d'autres termes, il est question de dresser une liste.

Étape 2: Offrir à ce comité spécial les services d'un groupe de Canadiens handicapés disposés à offrir bénévolement des conseils. Il y a de nombreuses personnes handicapées qui attendent seulement qu'on le leur demande.

Étape 3: Élaborer un plan d'action complet comprenant notamment les priorités, les délais et les coûts, qui tiendra compte des diverses réalités financières, tout en signalant l'engagement du Sénat de déployer des efforts pour parvenir à l'égalité pour tous.

On pourrait encourager ce comité spécial à collaborer avec les hauts fonctionnaires de la Chambre des communes sur les questions communes d'accès tout en s'assurant qu'on n'empiète pas sur les compétences du Sénat. Je crois que le processus a beaucoup d'avantages et pourrait aller de l'avant rapidement sous la direction du comité de la régie interne ou celui des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Honorables sénateurs, je répète que le moment est bien choisi pour agir maintenant. Ce faisant, le Sénat pourra donner un nouveau sens aux notions de pleine accessibilité, d'équité en matière d'emploi et de dignité pour les gens marginalisés.

Au début de mes observations, j'ai parlé des réalisations du président Roosevelt. Je suis persuadée que les honorables sénateurs suivront avec intérêt la visite du premier ministre aux Nations Unies, à New York, le 2 mars. Il est là pour recevoir le prix Franklin Delano Roosevelt pour des réalisations remarquables dans le domaine de l'aide aux handicapés. Le premier ministre va accepter cette récompense au nom de tous les Canadiens, y compris le gouvernement précédent, qui a déployé tant d'efforts au fil des ans pour faire du Canada le pays le plus accessible du monde. Cela donnera également l'occasion aux honorables sénateurs de poser la question: quelle est la place du Sénat dans ce modèle d'égalité?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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